WARREN HAYNES: Million Voices Whisper (2024)

01 - These Changes (avec Derek Trucks) (D. Trucks/M. Mattison/W. Haynes)
02 - Go Down Swinging (J. Johnson/W. Haynes)
03 - You Ain’t Above Me (W. Haynes)
04 - This Life As We Know It (W. Haynes)
05 - Day of Reckoning (avec Lukas Nelson et Jamey Johnson) (L. Nelson/W. Haynes)
06 - Real, Real Love (avec Derek Trucks) (G. Allman/W. Haynes)
07 - Lies, Lies, Lies > Monkey Dance > Lies, Lies, Lies (J. Medeski/W. Haynes)
08 - From Here on Out (W. Haynes)
09 - Till the Sun Comes Shining Through (M. Dragstrem/R. Akins/W. Haynes)
10 - Terrified (W. Haynes)
11 - Hall of Future Saints (avec Derek Trucks) (D. Trucks/W. Haynes)

Musiciens :
Warren Haynes : Chant, guitare, slide-guitare
Derek Trucks : Guitare, slide-guitare
Lukas Nelson : Chant, guitare
Terence Higgins : Batterie
Andy Hess : Basse
Kevin Scott : Basse
John Medeski : Claviers
Jamey Johnson : Chant
Saundra Williams : Chœurs
Jenny Hill : Saxophone
Buford O’Sullivan : Trombone
Pam Fleming : Trompette

‌Voilà encore un super album qui va couler de façon magique dans les oreilles de toute personne qui n’est pas allergique à un peu de funk ! C’est vrai, là nous paraissons loin du rock sudiste, quoique… Les amateurs de Wet Willie s’y retrouverons à coup sûr ! Tout comme les amateurs de soul et de cette forme de blues cuivré tirant un peu soit sur la soul, soit sur le funk.
Tout d’abord on peut noter l’excellence des compositions, de la rythmique, du chant, magistral de bout en bout, et des guitares, avec en prime quelques incroyables duels complices. Ensuite la cohésion de la production permet de relier des titres qui n’appartiennent pas réellement à la même famille, mais là tout s’enchaîne dans une apparente unité sonore, un vrai tour de force.
L’album commence très fort avec « These Changes », une superbe ballade soul chantée à la perfection et appuyée par une section de vents, qui traite de la gloire révolue de l’époque où D. Trucks et W. Haynes complices, comme ils l’ont été pour l’écriture de ce morceau, animaient les prestations de ce monument de la musique qu’était l’Allman Brothers Band, et leurs collaborations réduites depuis cette époque, déjà une dizaine d’années. Une pointe de nostalgie, ou l’envie de retravailler ensemble de manière plus consistante ? L’avenir nous le dira. On se laisse ensorceler doucement mais D. Trucks et W. Haynes nous réveillent d’un coup avec une magnifique partie de ping-pong guitaristique invoquant justement les mânes du groupe défunt. On se retrouve propulsé une douzaine d’années en arrière, dans la splendeur de l’univers allmanien. Ça part vraiment très fort ! L’ABB est aussi très présent sur le très émotionnel « Real, Real Love », avec à nouveau le duo reconstitué D. Trucks/W. Haynes. Cette fois, c’est l’élaboration de cette ballade « slokitu » qui est remarquable. D’après Warren Haynes, « C'est une chanson commencée par Gregg Allman, mais jamais terminée. Il me l'avait montrée et nous en avions discuté, et je l'ai terminée après sa mort. Je l'ai finalisée d'une manière qui reflète la manière dont Gregg écrivait, puis j'ai invité Derek Trucks à participer à l'enregistrement, ce qui l'a vraiment portée au niveau supérieur souhaité. Je voulais l'écrire comme si Gregg la chantait. Même dans notre approche du morceau en tant que groupe, et dans ma façon de l'aborder en tant que chanteur, j'avais sa présence à l'esprit tout au long du morceau.» Le magnifique résultat est à la hauteur des ambitions et ravira tous les fans orphelins de l’ABB, les guitares se signalent encore par leur qualité et D. Trucks nous fait totalement décoller à la fin. Les deux compères nous enchantent aussi dans une autre composition commune, le blues « groovy » « Hall of Future Saints », avec son intro un peu « swamp » et son long final flamboyant où ils s’en donnent à cœur joie dans un sacré duel de guitares. Une bien belle façon de clore l’album !
Et entre temps ? Et bien entre temps, le bien nommé « Go Down Swinging », calibré plutôt soul avec un côté allègre, fait la part belle à la section de vents et à un remarquable solo d’orgue. Sympa ! « You Ain’t Above Me » enchantera les amateurs de blues tandis que le « lentement nerveux » (!), opposition entre son tempo et le dynamisme de son interprétation, « This Life As We Know It » revient lui aussi de façon assez vivifiante sur les traces de l’ABB et sur le mouvement perpétuel de notre vie moderne. Warren a bien écouté Van Morrison… Bluesy encore, mais aussi assez rock avec une pointe de country, « Day of Reckoning » fait place à de nouvelles collaborations sur un refrain entraînant et des guitares très convaincantes. Ça coule… Puis déboule la première des compositions plus typées funk, avec « Lies, Lies, Lies... », assemblage complexe entre funk et rock progressif (si si !) : l’intro à la wah-wah installe une ambiance funky au-dessus de laquelle siffle curieusement un synthé façon « Saturday Night Special », avant que le morceau ne se développe dans ce climat assez inédit et novateur. « From Here on Out », probablement un très bon morceau de scène, se pose plutôt comme une ballade soul assez entraînante, pas gnangnan pour un sou, bien charpentée par la section de vents et l’orgue, et ornée d’un bon solo de guitare. Majestueusement joué avec son solo de slide aux petits oignons, « Till the Sun Comes Shining Through » nous replonge, après « Real, Real Love », dans l’ambiance « slokitu », et « Terrified », arrangé de brillante façon, avec des prouesses de la section rythmique, fait valoir une atmosphère soul-funk syncopée plus tendue que le reste de l’album.
Retour réussi, M. Haynes ! Album chaleureux, rempli d’émotions, très élaboré, mais qui se dissipe dans vos oreilles comme un bonbon dans votre bouche, Million Voices Whisper est une étape à ne pas rater dans le riche parcours de l’ancien guitariste de l’ABB, réussissant le pari d’explorer des sonorités jusqu’ici un peu moins représentées dans son œuvre. Quel disque !

Y. Philippot-Degand